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Le blog de Toni

Un balcon en forêt de Julien Gracq

7 Avril 2010 , Rédigé par leblogdetoni.over-blog.com Publié dans #Corpus de textes

Introduction: 

En 1958, Julien Gracq publie Un balcon en forêt. Le roman se présente comme un récit de guerre narrant les premiers mois de ce que l’on appellera la "drôle de guerre" pour l’attente et le suspens qui caractérisent la situation des soldats en 1939. Grange a pour mission d’arrêter les blindés allemands si une attaque se produit. Alors qu’il erre sous la pluie dans la forêt des Ardennes, il fait la rencontre étrange d’une jeune femme, Mona, qui deviendra sa maîtresse.

L’extrait qui nous intéresse se présente comme la réactivation du topos littéraire de la rencontre amoureuse. On se demandera en quoi cette rencontre est à la fois insolite et mystérieuse. Pour cela, on étudiera d’abord l’étrangeté de cette rencontre (à travers son cadre et sa progression), avant de se pencher sur le portrait d’une jeune-femme merveilleuse.

Problématiques:

I/Une rencontre étrange

 1/Le cadre de la forêt

a) Champ lexical de la forêt et de la pluie: importance accordée au paysage, qui suscite un mystère.

b) Nombreux sens sollicités (vue "il levait les yeux", ouïe: "sous le crépitement maintenant serré de l'averse": allitération en "r" qui semble mimer le bruit de la pluie.)

c) Images poétiques liées à la nature:

  =>métaphore du "rideau de pluie": la pluie est comparée a une étoffe transparente ;

  => "la laie s’enfonçait dans la pire solitude" l. 17 : le chemin est personnifié et Gracq attribue a la forêt le sentiment de solitude.

  => "l’averse autour d’eux faisait frire la forêt a perte de vue" (l. 17) : métaphore culinaire qui insiste sur le bruit de la pluie, lui-même rendu sensible par les allitérations en "f" et  en "r" dans la phrase.

  2/La progression du regard

a)Narrateur externe, focalisation interne: nombreux verbes de perception. On suit le regard de Grange qui lui-même suit cette jeune fille: "il levait les yeux" (l. 1), "il aperçu" (l. 1), "il se mit a observer" (l. 8), etc.

b)Importance accordée aux verbes de spéculation, d'imagination:  "on pensait d’abord" (l. 6), "elle semblait ne se soucier mie" (l. 10), "Grange crut discerner" (l. 16), "paraissait a Grange" (l. 27): l'observation suscite l'imagination, la rêverie.

c)La poursuite, qui se traduit dans le texte par un jeu d'alternance entre les pronoms "il" et "elle" aboutit à une fusion des personnages dans le pronom "ils" l.26: "ils allèrent ainsi un moment".

  3/De la curiosité au désir

a) Au départ, une simple curiosité: "il y avait dans sa démarche quelque chose qui l'intriguait" (l.9), curiosité rendue sensible par la minutie de la description par exemple l.11: "Tantôt elle sautait une flaque à pieds joints, tantôt elle s'arrêtait au bord du chemin pour casser une branche- une seconde elle se retournait à demi..."(l.11). Le vocabulaire de la curiosité cède ensuite la place à un lexique plus fort: "ce manège gracieux, captivant" (l.21), avant d'être tout à fait un langage amoureux et sensuel: "tout entier remué et curiosité violente" (l.29)

b) La syntaxe de la dernière phrase, avec sa proposition participiale, rend sensible la puissance et la soudaineté du désir. L'homme est dépassé par son désir.

c)Progression en forme d'inversion des rôles au fil du texte: chasseur/"bête aux abois", puis l. 28-29: "il n'était plus qu'un homme qui marche derrière une femme": la tournure restrictive "ne...que..." rend sensible sa faiblesse, et en regard, sa domination.

TRANSITION: On a pu voir que de nombreux éléments contribuent au mystère de cette rencontre et lui confèrent une dimension onirique: son cadre (la forêt, la pluie) mais aussi l'utilisation de la focalisation interne qui permet le passage de la "vision" au "rêve",  et même au "désir". Ainsi l'errance de Grange sous la pluie qui métamorphose le paysage rend possible le portrait d'une jeune-femme elle-même merveilleuse.

 

II/Le portrait d'une jeune-femme merveilleuse

 1/ Une femme mystérieuse et merveilleuse

a)Mystère du début: indéfinition à cause de la pluie ("à demi-fondue dans le rideau de pluie" (l.2), de sa capuche ("enfouie dans une longue pèlerine à capuchon", l.4), et de l'étrangeté de sa silhouette ("le dos un peu cassé comme si elle avait calé contre ses reins sous la pèlerine un sac de cuir"l.6) 

b)Laisse place à une rêverie sur fond de conte de fée: la petite fille enfouie dans sa pélerine et s'amusant dans les bois évoque le petit chaperon rouge, d'autant plus qu'elle n'est pas à proximité d'une maison. Grange l'appellera lui-même "fadette" et "sorcière de la forêt" (l.19), autres éléments renvoyant au conte merveilleux.

c) Mais la métamorphose de la petite silhouette n'est pas terminée. Elle prend des allures animales: "les mouvements du cou(...) étaient ceux d'un poulain échappé". Elle est dans le même sens comparée à une "jeune bête aux abois".

  2/ La métamorphose de la petite fille à la femme

a)Étude des substituts nominaux désignant la jeune fille: de "petite fille", elle devient "écolière", puis "gamine", la "silhouette" est également qualifiée de "petite". Ses attitudes sont celles d'une enfant joueuse: "tantôt elle sautait une flaque à pieds joints, tantòt elle s'arrêtait au bord du chemin pour casser une branche". Le narrateur qualifiera d'ailleurs cette course de "manège gracieux".

b) Mais peu à peu, on assiste à la métamorphose, sous le regard de Grange, de cette petite fille en femme. La transformation commence dans un jeu de séduction l.12: "une seconde, elle se retournait à demi et semblait jeter sous le capuchon de sa pèlerine un coup d'oeil en arrière...". Encore qualifiée de petite-fille, son attitude semble en réalité plus mutine qu'innocente. Elle ouvre ainsi la voie à la rencontre: "Maintenant qu'il s'était un peu rapproché, ce n'était plus tout à fait une petite fille: quand elle se mettait à courir, les hanches étaient presque d'une femme". Simultanément à l'évolution du regard de Grange de la curiosité au désir, la petite fille devient femme et même séductrice: "il y passait par moments un fléchissement câlin qui lui parlait brusquement de toute autre chose, comme si la tête se souvenait toute seule de s'être déjà blottie contre l'épaule d'un homme" (l.24-25).

  3/ La femme comme voie d'accès au monde des rêves

a)La jeune fille intéresse le narrateur dans la mesure où elle est mysérieuse et libère l'imaginaire. Même lorsqu'elle est séductrice et sensuelle (l. 24-25), ses mouvements "parlent" à Grange, c'est-à-dire qu'ils ouvrent à la rêverie.

b) A plusieurs reprises, Grange l'associe à la pluie elle-même: " à demi fondue dans le rideau de pluie" et plus loin "c'est une fille de la pluie". Mona semble associée à la vie-même de la forêt.

c) Le narrateur attribue donc un très grand pouvoir à la jeune-fille, au point qu'elle métamorphose le paysage à la fin du texte lorsque le désir est très clair: "Malgré le bruit de l'averse qui battait la route, la trouée plus claire du chemin paraissait à Grange celle même de l'embellie". La jeune-fille a ici le pouvoir de modifier la perception du temps et de la lumière par Grange. On note par ailleurs les sonorité douces de cette phrase, comme une accalmie (gràce à l'allitération en "l" et la répétition du "m")

 Conclusion partielle: On assiste donc, sous les yeux et dans l'imagination de Grange, à la métamorphose de la jeune fille en créature merveilleuse puis en animal sauvage, de la petite fille en femme désirable. La femme est donc pour le narrateur un objet de fantasme ayant le pouvoir d’ouvrir l’imaginaire et d'accéder au monde des rêves

Conclusion: On a pu voir comment le topos de la rencontre amoureuse se donne chez Julien Gracq dans une sorte d’Éden mystérieux, dans lequel le personnage entame une course-poursuite ludique avec une jeune-fille. Sous le regard de Grange, la petite-fille se métamorphose en femme-fée et devient une voie d’accès privilégiée à un monde onirique, à la faveur de cette forêt mystérieuse. C’est ici la spécificité de cet auteur aux accents surréalistes, qui dans Au château d’Argol s’adonnera à d'autres descriptions de la forêt profonde et féérique d’Argol, comme lieu propice à l’amour.

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R
Les toutes premières voitures utilisaient des lanternes à huile ou à acétylène, qui nécessitaient d'être allumées à la main<br /> Cadillac a lancé le premier système moderne de phares électriques en 1912, suivi quelques années plus tard par l'arrivée des premiers feux de croisement. La véritable révolution de l'éclairage est survenue seulement en 1962 avec l'apparition des ampoules à incandescence dotées de gaz inerte. Cela a amélioré la puissance de l'éclairage ainsi que sa durée de vie, et c'est ainsi que les lampes à halogène sont nées.<br /> <br /> <br /> Et notre bon poirier d'écrire: Simon alluma les lanternes de la voiture ( in de memoire La presqu'ile ....lol) ridicule il ressemblait à un guignol de la 4ème république avec son petit manteau et son petit chapeau ...
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M
super site continu
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M
Ce site est effectivement très efficace en ce qui concerne ce texte, je passe mon bac cette année et je m'en suis servit pour réviser mon orale.<br /> Merci beaucoup!
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